Des petits mots que l'on découvre guau détour d'une phrase, ils sont sel, épices et saveurs du langage, on les dé ste pour le plaisir. Ecoutons-les nous dire comment il fait bon vivre dans le Midi.
Abriu, abriéu. Avril.
Aiga, aïga. Eau.
Amairit, amaïrit. Qui est toujours dans les jupes de sa mère.
Amolonar, amoulounà. Mettre en tas.
Arbolisaire, arboulisaïre, ou arpatejaire, arpatétchaïre. Qui traîne en longueur pour faire quoi que ce soit (comme celui « qui herborise », ou celui « qui agite les jambes » ).
Auton, autoun. L'automne.
Avost, avous. Août.
Baile, baïle. Chef d'une équipe de vendangeurs.
Banas. Cornes. Passé en français. Les banes du taureau.
Banasta. Corbeille. Passé en français. La « pêche à la banaste » : braconnage pratiqué dans la rivière.
Banaston, banastou. Petit panier pour le transport du raisin.
Banut. Qui a des cornes.
Barbasta. Passé en français barbaste. Gelée blanche. « Il y avait de la barbaste ce matin ». Barrolaire, barroulaïre. Qui est toujours par monts et par vaux.
Benleù, bélèou. Peut-être.
Bèstia. Bête.
Biais. La bonne manière de faire. « As de biais ! », tu as la bonne manière de faire.
Blaca. Touffe de jeunes rejets de chêne vert.
Buôu, biou. Le taureau. Quant on parle du taureau on dit lou biou.
Bolegar, boulégà. Remuer. Bolegaire, boulégaïre : qui ne tient pas en place. Désigne aussi celui qui remue les boules du loto avant de tirer le numéro.
Bolidor, boulidou. Petites résurgences d'eau qui surgissent suite à de fortes pluies.
Bota, bouta. Tonneau.
Botelh, boutel. Grapillon de raisin.
Bosigar, bousigà. Remuer.
Bramaire, bramaïre. Le tarare, l’appareil qui servait à séparer le grain de la balle.
Brasucada. Flambée de sarments ou de cistes allumée pour réchauffer la maison. Passé en français brasucade. Nom donné à la préparation des moules cuites à la braise :
« Faire une Brasucade »
Bufar, bufo. Souffler. « Bufa d'aut », le vent souffle d'en haut, c'est-à-dire du nord.
Bugada. La lessive.
Cabord, cabourd ou Caluc. Fou. Passé en français : « Il est caluc ».
Cabra. Chèvre.
Cabussau, cabussaou. Sac rempli de paille, pour porter le banastou.
Cafit, cafi. Plus que plein. « fl est cafi d'argent! ».
Canha, cagna. Flemme. Passé en français. « j'ai la cagne! ».
Cagada. Bêtise, idiotie, chose ratée. Passé en français. Employé surtout dans une expression : « Quelle cagade ! ».
Cagaraula, cagaraoula. Escargot. Passé en français. Cagarolade : plat d'escargots cuits à la braise.
Cagador, cagadou. Lieu d'aisance, généralement situé au fond du jardin.
Campana. Cloche.
Candela. Bougie.
Canton, cantou. Coin.
Cantonada, cantounada. Passé en français. Lieu de rassemblement des gens du coin. Le soir, à la fraîche, les gens se retrouvaient à « la cantounade » pour se raconter les histoires du village.
Capèl. Chapeau.
Capelan. Curé.
Cassauda, cassaouda. Prêles, herbes ramassées au bord de la rivière, dont les anciens se servaient pour faire la vaisselle. Désigne, par analogie, la petite serpillière qui restait sur le coin de l'évier pour laver la vaisselle.
Char. Le véhicule destiné à transporter les taureaux. Se dit encore aujourd'hui pour désigner les camions qui servent à cet effet.
Chichomelha, chichoumeilla. Passé en français chichoumeille. À l'origine désigne un plat mal préparé, non réussi. Sert maintenant à désigner une ratatouille.
Chot, tchot. Chouette. Par extension, un imbécile, une personne pas très dégourdie.
Cola, cola. Passé en français cole ou colle, équipe de vendangeurs.
Coflar, couflà. Gonfler, au sens d'en avoir assez. M'a coufla, il m'a énervé.
Cogorla, cougourla. Courge. Passé en français cougourle. « Sies una cougourla " : tu es une courge (se dit à une fille peu dégourdie).
Correjons, courretchous. Lacets en cuir que l'on faisait tailler par le cordonnier.
Crespina. La chance. Vient de l'expression « naître coiffé » en parlant d'enfants qui naissent avec une peau sur la tête, la crespina, ce qui est relativement rare et signe de bonheur futur. D'où l’expression « sies crespinat, sies crespina ! », tu as de la chance !
Crostet, croustet. Croûton de pain. Se dit d'une personne laissée pour compte.
D'agalis. En diagonale, de travers. Utilisé par les vignerons pour indiquer que l'on laboure une vigne en diagonale.
Decembre, décembre. Décembre.
Digus, digueus. Personne. « Je suis allé le voir, péchaire digueus ! », j'y suis allé, il n'y avait personne.
Dijous, dijoué. Jeudi.
Diluns, dileus. Lundi.
Dimars, dimas. Mardi.
Cimecres, minecre, Mercredi
Dimenge, dimentche. Dimanche.
Dissabte, dissate. Samedi.
Divendres, divendre. Vendredi.
Drindalhar, drindaillà. Tituber.
Embugar, embugà. Mettre de l'eau dans ou sur les tonneaux pour les faire gonfler afin d'éviter qu'ils ne fuient.
Empegat, empégat. Qui a bu un coup. Maladroit. « Es empégat ! ».
Engargavachar, engargavacha ou escanar, escana. Passer de travers, avaler de travers. Engrunar, engrunà. Démolir.
Ensucar, ensucà. Donner un coup sur la tête.
Escacalassar, escacalassà. Rire aux éclats.
Escagassat, escagassà. Aplati. Passé en français escagassé.
Escampar, escampà. Jeter. « Escampa-lou ! », jette-le.
Escaucelar, escaoucela. Déchausser les vignes. Nettoyer les pieds des souches. Escimar, escima. Écimer les vignes.
Escoba, escouba. Balais. Passé en français escoube.
Escobilhas, escobillas. Les balayures. Passé en français escoubilles.
Escobilhaire, escoubillaïre : le balayeur.
Escrancat, escrancà. Démoli. Passé en français escranqué.
Esgraufinhat, esgraoujignat. Egratigné.
Espantar, espantà. Souffler, étonner, sidérer quelqu'un. Passé en français. « Il m'a espanté avec son histoire ! ».
Espodassar, espoudassa. Tailler grossièrement.
Espoussar, espoussà. Secouer.
Estiu, estiéu. L'été.
Estamaire, estamaïre. L'étameur (artisan ambulant) (formé sur estam : étain).
Estrambord, estrambor. Grande agitation, extravagances, transport d'enthousiasme. D'une femme qui faisait de grands embarras on disait « Celle-là, elle fait ses estrambors ! ». Estraçar, estrassà. Gaspiller.
Faisses, Jaïsses. Cultures en terrasses, en général de petites terres plantées de vignes. Fantasierôs, Jantasirous. Qui est plein de fantaisies, qui change souvent d'idées. Fardar,Jardà, ou mascarar, mascarà. Aux vendanges, barbouiller la figure avec du raisin. Fébrier, febrié. Février.
Fioc. Feu.
Fristi. Désigne « le manger ». Râgout. (Mot d'origine allemande, par l'argot militaire).
Gavèl, gabèl. Sarment. On appelait le vin « la tisana de gabèl ».
Gal. Coq. Galina. Poule.
Gargamèla. Gorge. Passé en français gargamelle. Rabelais désigne ainsi la compagne de Grand-gousier et mère de Gargantua.
Gollamàs, gounlamas. Personne qui est désordonnée, qui ne range pas ses affaires.
Grolla, grounla. Chaussure en mauvais état. Passé en français grounle. Mettre les chaussures en grounle, c'est-à-dire sans les lacer.
lvèrn, ivèr. L'hiver.
Janvier, janvié. Janvier.
Julhet, juliet. Juillet.
Junh, djun. Juin.
Lo, Zou. Le. Au pluriel, los, lous. Il est intéressant de noter les différences par rapport aux régions alentour. Le Cressois disaient « lous », les habitants de Lunel « li ».
Mai, maï. Mai.
Manhan, magnan. Le vers à soie.
Març, mars. Mars.
Mostèla, moustela. Belette.
Novèmbre, nouvèmbre. Novembre.
Octobre, outobre. Octobre.
Onchar, ountchà, graisser. Onchet, ountchet, tache.
Parpelejar, parpéléjà. Battre des paupières.
Passarilha, passarilla. Raisin sec.
Pastièra. Passé en français pastière. Grand caisson en bois posé sur la charrette, destiné à recevoir les charges de raisins amenées de la vigne par les porteurs dans leurs sémalous. Il contenait environ 1100 kilos de raisins.
Patafiole. «Je te patafiole! » signifie tu auras un chien de ma chienne, tu t'en repentiras. Peçugar, péssugà. Pincer.
Pegomàs, pégoumas. Amas de choses laides ou de mauvais goût : « elle a cru peindre un tableau, elle t'a fait un pégoumas ! ». Désigne également quelque chose qui colle.
Pegar, pégà. Coller, poisser. Pèga. Poix. Passé en français pègue. Désigne une personne collante, « quelle pègue ! ».
Pelha, peilla. Chiffon.
Pelharot, peillarot. Le chiffonnier ambulant.
Pila. Passé en français pile. Abreuvoir de pierre.
Plan. L'arène édifiée avec des charrettes pour le temps de la course. La place.
Podaire, poudaïre. Le tailleur de vignes. La taille de la vigne se faisant en hiver, on disait d'une personne habillée chaudement « habilla coum' un poudaïre ».
Podar, poudà. Tailler la vigne, les oliviers.
Pota, pota. Passé en français pote. Thym (appellation de la plante à l'est de Montpellier). Potinga, poutinga. Remède de bonne femme. Passé en français poutingue. « On va se poutinguer ! », signifie on va se soigner à notre façon.
Premsa, prensa. Pressoir.
Printemps, printèms. Le printemps.
Queco, quéquou. Utilisé dans l'expression «jaï lou quéquou ! », c'est-à-dire il fait le beau, il fait l'intéressant.
Rabaladis. Utilisé pour signifier qu'il y a de tout, partout. « Quel rabaladis ! ».
Rabinat, rabinat. Passé en français rabiné. Brûlé. « Ça sent le rabiné », ça sent le brûlé. Rafatum, rajatun. Le reste, le résidu.
Rastaganha, rastagagna. Dépôts qui restent après une inondation : branchages, alluvions, etc …
Ratapenada, ratapénada. Chauve-souris (le rat qui a des ailes). Désigne un enfant chétif. Reborsier, réboussié (ou raboussie} Celui qui contrarie, qui s'oppose à tout.
Recanton, récantou. Le recoin.
Recapte, récate. Le manger. Désigne tout ce qui se fabrique pour un repas.
Recaptar, récatà. Ranger les affaires.
Remolaire, rémoulaïre. Remouleur.
Repapiar, repapia, rabâcher toujours pareil, perdre la tête.
Repotegaire, répoutégaïre, ou rospetaire, rouspétaïre. Celui qui rouspète sans arrêt, qui n'est jamais content.
Rondinar, roundinà. Ronchonner. Rondinaire, roundinaïre : celui qui ronchonne.
Ropilha, roupilla. Objets de peu de valeur qui dorment dans les greniers. Passé en français roupilles, touailles. Foire aux roupilles ou aux touailles : foire à la brocante.
Rosigar, rousigà. Ronger un os.
S'ensidolar, s'ensidoulà. S'enivrer.
Sabraca. Passé en français sabraque. Maladroit. Toujours employé au féminin : « Cet homme est une véritable sabraque ! ».
Sadol, sadoul. Soûl. « j'en ai un sadoul ! », j'en ai mon soûl, j'en ai assez, je ne peux plus le supporter.
Sarralhier, sarraillé. Le serrurier. Nom donné à la mésange bleue à cause de son chant qui fait un bruit de serrure.
Sei dau Crès. Je suis du Crès. Mais celui de Montpellier dira : « Sei del Clapas ».
Semalon, sémalou. Récipient en bois utilisé pour charrier les raisins de la vigne à la pastière. Passé en français. Le sémalou était porté sur un coussin posé sur la nuque ( cabussau ).
Setèmbre. Septembre.
Simbèu, simbéou. Appeau. Nom donné, par analogie, au taureau qui guide les autres. Tavanejar, tabanétchà. S'agiter, tourner en rond sans avancer dans ses activités, comme un tavan, taban (gros insecte).
Tavanejaire, tabanétchaïre. Qui s'agite sans avancer, qui n'en finit pas de faire quelque chose.
Talhon, taillou. Gros morceau. « Il s'est servi un bon taillou de viande ! ».
Tarralhier, tarraillé. Marchand de vaisselle (à l'origine en terre cuite).
Taular, taoulà. Verser accidentellement un chargement par côté.
Tarnagàs. Pie grièche. Une personne bête : « es un targanàs », c'est un imbécile. Tasta. Passé en français taste. De tastar, tastà, gôuter. Le petit morceau que font goûter les marchands pour décider le client. Sur les marchés on pouvait entendre : « à la taste … à la taste … ».
Taula, taoula. Table.
Ticos, ticous. Pointilleux.
Toalha, touailla. Passé en français touaille. Sert à désigner des choses sans valeur, des vieilleries. « j'ai trouvé ça dans tout un tas de touailles », « Quelle touaille tu t'es mise aujourd'hui! » (en parlant par exemple d'un vieux corsage porté par une femme). Trabalhador, trabailladou. Travailleur de terre. Vigneron.
Trefolir, tréfouli. S'impatienter.
Trefolis, tréfoulis : il s'impatiente.
Trolhar, trouillà. Écraser le raisin dans la pastière.
Trolhaire, trouillaïre : celui qui écrase. Se dit aussi d'un mauvais danseur qui marche sur les pieds de sa cavalière.
Vergonha, bergoug;na. Honte.
Vergonhos, bergougnous : honteux.
Si ces mots sont saveurs du langage, surtout pour des oreilles non averties à qui ils peuvent paraître étranges, ils sont avant tout les témoins d'une langue vieille de mille ans, issue du latin. Tous les termes du métier de vigneron, occupation importante pour les gens du village, apparaissent bien sûr et nous donnerons comme seul exemple d'étymologie celle du verbe podar, poudà : du bas-latin podare, du latin putare, tailler la vigne … déjà! Mais il en va de même pour tous les autres mots, où l'on remonte sans peine jusqu'au latin.
On ne s'étonnera pas que la truculence de certaines expressions ait pu influencer Rabelais, qui, à l'occasion de son séjour comme étudiant en médecine à la faculté de Montpellier au XVIe siècle, fut inspiré par cette langue pleine de verve. En écrivant la vie de ses héros Gargantua et Pantagruel, il s'en est souvenu et a ainsi inventé de nombreux mots à la sonorité particulière, en plus de son style très carnavalesque, mais qui ne doit pas cacher pour autant la profondeur philosophique du conte.